Amon : Devilman Mokushiroku

Les démons sont parmi nous... Il devient difficile de déterminer qui est un homme et qui est en réalité un démon dissimulé sous une apparence humaine, et la paranoïa s'empare de l'humanité...
Akira Fudo est un jeune garçon qui a lui aussi été possédé. Mais au lieu de voir sa conscience s'évaporer au profit de celle du diable, il a au contraire dompté celui-ci, lorsqu'il fusionna avec Amon, le plus puissant des guerriers démons. Il peut ainsi dès lors se muer en Devilman et mener un combat contre les démons qui veulent s'emparer de notre planète par la peur et par le sang.

Hélas, Akira n'a pu empêcher la mise à mort de ses amis, le petit Tare et sa sœur Miki, par des hommes devenus fous, persuadés que les démons s'étaient incarnés en eux.
Ivre de douleur et de rage, il laisse éclater sa colère et ne peut alors empêcher Amon de s'enfuir de son corps et de scinder ainsi les entités démoniaques. Aussi, si Akira conserve les pouvoirs de Devilman, Amon est désormais libre et entend bien semer la terreur dans une Terre en ruines et en proie à la proche apocalypse...

Devilman est l’œuvre majeure de son auteur, Gô Nagai. Créé à l'origine pour accéder à la demande de Toei, qui souhaitait un personnage démoniaque pour capitaliser sur le succès du précédent Manga de Nagai, "Mao Dante", l'auteur décline en parallèle à un premier dessin animé tous publics, une bande dessinée d'une noirceur et d'une profondeur qui l'installe au rang d'oeuvre culte.
C'est ce Manga, paru donc en 1972, qui va défrayer la chronique. Mais depuis, et comme pour beaucoup de ses titres les plus connus, Gô Nagai se sera "amusé" à revisiter et retravailler le Manga originel. On ne compte ainsi plus les divers spin-offs et autres relectures parallèles de Devilman initiées par Nagai lui-même ou d'autres auteurs bercés par la magie de ce chef d’œuvre aux connotations pessimistes et bibliques.
Parmi ces titres, on note Devilman Amon, œuvre de Yû Kinutani parue en 2000 et achevée en 2004. Ce Manga (disponible en France) commence vers la fin du récit d'origine mais en change ensuite la trame pour offrir une "suite", ou plutôt, un cheminement parallèle à l'histoire que nous connaissons déjà. C'est du premier volume (sur 6) de cette bande dessinée, qu'est tirée l'OAV dont il est ici question. Le Manga étant alors en cours d'écriture, le dessin animé adapte encore l'épilogue pour se terminer au bout de 45 minutes, tandis que la BD ira beaucoup plus loin.

Ce moyen métrage ne nous épargne rien. Là où les OAV des années 80 (qui adaptaient quelques volumes du Manga de 1972) étaient déjà plus matures et violentes que ce que Toei avait fait avec la série originelle, nous assistons là à un spectacle digne des pires films d'horreur.
La violence des batailles est à son apogée et certaines scènes sont difficilement supportables. La monstruosité d'Amon est la quintessence de cette œuvre puisque le monstre prend plaisir à massacrer dans des effluves d'hémoglobine ses propres congénères. Pire : une scène effroyable nous le montre en train de dévorer littéralement une petite fille blessée, alors que la mise en scène laissait penser qu'il allait lui porter secours... La mort du petit Tare est aussi montrée sans aucune retenue : il reçoit un carreau d'arbalète en pleine tête, qui le cloue sur le mur de sa maison. Enfin le combat qui oppose Amon à Devilman est lui aussi insoutenable. Notre héros se fait arracher les ailes et, mis à terre par le démon, se fait piétiner longuement à l'endroit même de la plaie béante, avant d'être étranglé jusqu'au sang par son ennemi hilare...

Une chose est sûre, avec ce titre, les amateurs de Gore et de violence sont servis. C'est d'ailleurs un peu dommage que sur le fond, l’œuvre s'arrête un peu à ça. Les grandes thématiques de Devilman et les mystères entourant Ryô / Satan ne sont pas dévoilées. Tout du moins, elles sont survolées. On a plutôt le sentiment qu'avec cette OAV, les auteurs ont voulu se servir du nom de Devilman pour laisser libre cours à de violentes et très graphiques pulsions. Si le résultat est esthétiquement réussi, on préfèrera peut-être se tourner sur l’œuvre ultérieure, Devilman Crybaby, qui donnera un regard beaucoup plus profond et passionnant, à l’œuvre originelle du maître.
C'est sans doute justement sa grande violence et son caractère insoutenable qui ont laissé cette OAV inédite à ce jour en France, alors que le Manga de Go Nagai a acquis depuis une notoriété dans notre pays qu'il n'avait jamais eu dans les années 80 et même peu dans les années 90.

Au-delà de sa violence, on appréciera l'ambiance post apocalyptique dépeinte, dès lors que les démons se seront faits maîtres de la Terre, et de la folie monstrueuse qui s'est emparée de l'être humain dans certaines scènes. Le démon Seylos, création charismatique pour cette oeuvre (il n'existe pas dans le manga originel de Nagai) et qui affronte Amon, aurait aussi mérité un peu plus de mise en valeur.
Cette histoire parallèle prouve en tous cas une fois de plus la richesse de l'histoire de Gô Nagai et avec quelle jouissance déconcertante cet auteur (parfois aidé d'autres créateurs talentueux) prend plaisir à malmener ses héros, tout en dépeignant à coups de métaphores effroyables la noirceur d'une humanité qui court à sa perte inéluctable.