Marquis

Fiche technique
Nom originalMarquis
OrigineFrance, Belgique
Année de production1988
ProductionYC Aligator Films, Constellation Production, Tchin Tchin Production
Durée1h23
Création des personnagesRoland Topor, Jacques Gastineau, Frédéric Gastineau
RéalisationHenri Xhonneux
ProductionEric Plateau
ScénariiRoland Topor, Henri Xhonneux
Direction de la productionEric Plateau
Production déléguéEric Van Beuren, Claudie Ossard
AnimationLuc Noël, Michel Mirkovic, Viviane Lys, Marion Duval
Effets SpéciauxLéon Dutz
Direction artistiqueRoland Topor
DécorsPierre-François Limbosch
MontageChantal Hymans
Direction photographieEtienne Fauduet
CostumesMaryvonne Herzog
MusiquesReinhardt Wagner
Diffusions
Arrivée en France (cinéma)26 avril 1989
1ère diff. Cable/Sat/TNT28 septembre 2006 (Ciné Cinéma Auteur)
Rediffusions29 septembre, 1, 5, 7, 10, 13 octobre 2006 (Ciné Cinéma Auteur)
juin, juillet, août 2007 (Ciné Cinéma Culte)
Editions
Sortie en VHS1989 (K-Films)
Sortie en DVD4 mai 2004 (Cin & Scen)
Synopsis

1789, veille de la Révolution Française : la vertueuse Justine, enceinte des œuvres du Roi, est gardée en secret entre les murs de la Bastille. Une évasion se prépare parmi les prisonniers politiques, aidés en cela par la courtisane Juliette de Titane.
Au milieu de ces évènements, du fond de sa cellule, Marquis couche sur papier sa pensée du monde, fruit de nombreuses conversations avec Colin, son sexe parlant et pensant. Mais au fond, qui commande qui ?

Commentaires

Ravi par l'expérience Téléchat, Roland Topor décide de poursuivre sa collaboration avec le réalisateur Henri Xhonneux pour continuer d’explorer les capacités expressives des marionnettes, notamment le sentiment de malaise qu’elles peuvent susciter chez le spectateur. Afin de donner pleine mesure à cet état de réception particulier qui mêle le rapport au vivant et à l’inanimé, Topor se donne pour défi d’écrire une histoire sur le sexe, thématique difficilement racontable d’après lui car se retrouvant souvent privée de son imaginaire fantasmatique au profit d’une froide objectivation. Les œuvres de Sade, empreintes de révolte et de fantasmes décomplexés, apparaissent aux yeux de Topor et Xhonneux comme le sujet idéal. La dimension satirique de la marionnette amène le duo à aborder les personnages sous des traits d’animaux, au même titre que les fables de La Fontaine ou les caricatures de Grandville.

Un temps envisagé sous le titre de Marquis chien rétif, le scénario est écrit en s’appuyant sur des extraits de Sade (Justine ou les malheurs de la vertu, Les 120 Journées de Sodome) et de Mirabeau (Le Libertin de qualité) en même temps que Topor définit graphiquement les personnages. Sous l’égide des producteurs Claudie Ossard et Éric van Beuren, le projet se veut au départ un vrai film de marionnettes à fil et à gaine ; celles-ci devaient être sculptées de façon fruste afin de rester en harmonie avec la sècheresse du découpage, à base de plans fixes. Mais l’opérateur d’effets spéciaux Jacques Gastineau propose de réorienter Marquis vers un film d’acteurs vêtus de casques animatroniques pour un rendu plus spectaculaire et des possibilités de mise en scène plus étendues. La technique est rapidement adoptée en gardant à l’esprit un aspect brut – notamment des chevelures sculptées – et une animation semi-figée pour conserver cette ambiguïté entre réalisme et immobilité (bien que la question du budget ait aussi joué un rôle dans ces décisions).
Une fois choisis les comédiens chargés de la gestuelle, ces derniers se font modeler leur visage à l’alginate. De là sont tirés des bustes en plâtre qui vont servir de double support. D’une part, pour les casques animatroniques qui vont épouser les traits des acteurs afin d’éviter une trop grande disproportion avec le reste du corps ; d’autre part, pour le modelage des physionomies animales. Avec de la terre glaise, Jacques Gastineau se charge de retranscrire en volumes les dessins de Topor dont il tirera après moulage des masques en mousse de latex (poitrine incluse pour les personnages féminins). Pendant ce temps, son frère Frédéric se charge de la conception des casques avec des servomoteurs télécommandés dissimulés sous un crâne en fibre de verre et polyester auquel sont ajoutés des yeux (également en polyester), ainsi que des dents et des gencives en méthalacrylate. En parallèle, le casting des voix et l’enregistrement des dialogues sont effectués.
Sitôt les casques achevés, les comédiens consacrent un mois entier de répétition sous la direction du mime Philippe Bizot qui interprète Marquis et le journaliste Willem. Outre la constitution du répertoire gestuel avec la diffusion des dialogues par l’intermédiaire de mini-écouteurs, les répétitions permettaient aux acteurs de s’habituer non seulement au poids des casques mais aussi au fait que leur vision était occultée, ne pouvant déceler par les narines ou la bouche que quelques repères tracés à la craie, sans parler du manque de circulation d’oxygène qui rendait leur port prolongé physiquement éprouvant. Le reste de l’équipe s’attelle à la construction des décors dans un hangar à Bruxelles et les costumes sont définis en s’inspirant des gravures de William Hogarth car proposant un bon équilibre entre réalisme et interprétation. Le compositeur Reinhardt Wagner, présent depuis le début de la production, livre rapidement un thème musical aux accents ironiques auquel s’ajoutent les chœurs des artistes lyriques Agnès Mellon et Dominique Visse, ainsi qu’une chanson intitulée Beau Citoyen interprétée par Brigitte Faure.

Lors du tournage, les scènes sont préalablement répétées par les comédiens sans masque ni costume, le temps pour l’équipe de peaufiner les cadrages, les éclairages ainsi que la mise en place des différents retours vidéo sur lesquels le réalisateur et les animateurs – dissimulés derrière le décor – vont s’appuyer pour vérifier la bonne tenue des mouvements. Une fois les comédiens vêtus, les antennes des servomoteurs sont dissimulées et disposées de façon à éviter que les signaux se parasitent et provoquent des mouvements de bouche ou d’yeux inattendus. Comme pour les interprètes, les manipulateurs sont équipés de mini-écouteurs diffusant les dialogues enregistrés, avec un décalage de trois quarts de seconde entre l’oreille gauche et droite pour anticiper les mouvements et éviter les temps de réaction.
Après le tournage des scènes avec les comédiens, le chef opérateur Étienne Fauduet supervise les passages animés en pâte à modeler qui interprètent visuellement les extraits lus des œuvres de Sade ; Topor et Xhonneux justifient ce choix artistique pour introduire un degré fantasmatique supplémentaire.

Le film sort dans le cadre du Bicentenaire de la Révolution Française et passera globalement inaperçu avec des critiques assez mitigées. Toutefois, il recevra un bon accueil dans les salles parisiennes, au point de rester à l’affiche une année entière.
Parmi les nombreuses interprétations du marquis de Sade au cinéma, celle proposée par Topor et Xhonneux est probablement celle qui rend le personnage le plus sympathique : bien que faisant référence à ses penchants libertins et blasphématoires, le scénario insiste avant tout sur la figure de l’homme révolté pour qui l’écriture constitue l’exutoire du dégoût que lui inspire la société évoluant sous le masque de la vertu. Dès lors, les masques animaliers en latex se parent d’une symbolique forte en révélant la nature d’une humanité hypocrite et grotesque. Marquis le chien rétif sans Dieu ni maître apparaît comme le seul être lucide de ce monde détestable, de même que l’infortunée Justine (représentée par une génisse) qui reconnaît en Marquis un être qui souffre tout comme elle, ainsi qu’un grand écrivain. Lequel en retour fera preuve du plus grand respect envers son unique lectrice, la seule à reconnaître la valeur de sa pensée, offrant donc du Divin Marquis une image bien éloignée de celle du cruel débauché. La distinction entre l’écrivain et l’homme qui agit est dépeinte par les discussions entre Marquis et son sexe Colin, livrant une véritable réflexion sur la nature humaine.

Sous couvert de satire animalière emplie de situations scabreuses et de dialogues outranciers, Marquis constitue un film bien plus fin qu’il n’en a l’air, mêlant directement les personnages de l’œuvre de Sade à sa vie de détenu, livrant dans ce brassage de réalité et de fantasme renforcé par les animatroniques une œuvre hautement surréaliste ; de quoi achever de remettre en perspective la pensée sadienne, sachant que le groupe d’André Breton a toujours revendiqué l’influence du Divin Marquis. En cela, Marquis constitue un coup de folie unique du cinéma franco-belge de la fin des années 1980, mené par deux créateurs qui seront une dernière fois réunis le temps d’un documentaire en 1993 (Topor père et fils), avant le décès tragique d’Henry Xhonneux deux ans plus tard.

Doublage
Voix françaises :
François MarthouretMarquis
Valérie KlingColin
Isabelle Canet-WolfeJustine
Michel RobinAmbert
Vicky MessicaDom Pompero
René LebrunGaëtan de Préaubois, Bernardin
Bob MorelHorace Pigonou
Willem HoltropWillem Von Mandarine
Nathalie JuvetJuliette de Titane
Roger CrouzetLupino
Henri RubinsteinPhilippe d'Orléans
Eric de SariaJacquot le Fataliste
Peter FischerUn poulet
Hans MauliUn poulet
Jacques BouanichUn poulet
Jean-Daniel BoucryUn poulet
Philippe DumondUn client
Serge BlumentalUn client
Acteurs & Actrices
Philippe BizotMarquis, Willem Von Mandarine
Bien de MoorJustine, Juliette de Titane
Gabrielle Van DammeAmbert, Bernardin
Olivier DechaveauDom Pompero, Lupino
Bernard CognauxGaëtan de Préaubois, Philippe d'Orléans
Pierre DecuypereHorace Pigonou, Jacquot le Fataliste
Auteur : Klaark
Sources :
DVD chez Cin & Scen
Henry Xhonneux et Roland Topor, Marquis, Les Impressions Nouvelles, 1990.
Johanne Larue, Marquis, Séquences n° 144, janvier 1990, p. 73-74.
cinergie.be
mondesetranges.fr
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Marquis © YC Aligator Films, Constellation Production, Tchin Tchin Production
Fiche publiée le 21 septembre 2008 - Dernière modification le 15 février 2023 - Lue 14173 fois