Umezu Kazuo no Noroi

Deux histoires d'horreur nous sont racontées par le biais d'un étrange et inquiétant personnage sur une balançoire...

Dans la première, la jeune Rima, d'une beauté incroyable, arrive du Mexique dans sa nouvelle école. Lorsqu'elle voit cette camarade pour la première fois, Masami, une autre collégienne, est prise de frissons et d'angoisses. Les craintes augmentent lorsqu'au petit matin, cette dernière se réveille terrorisée, avec un petit trou au cou, comme si il s'était passé quelque chose d'effrayant durant son sommeil, et Masami se met à imaginer que la belle Rima est venue pour lui sucer le sang..
Avec son ami Umezu, qui doute que Rima soit un vampire ou autre démon, elle accepte d'être filmée la prochaine nuit pendant qu'elle dort.
Le lendemain, après avoir constaté une nouvelle blessure à son cou, elle panique. Umezu propose alors de visionner la cassette, mais Masami, affolée par ce qu'elle pourrait y voir, s'y refuse. Umezu regarde alors seul la bande... et hurle de terreur lorsqu'il voit ce qui s'y passe...
L'horreur n'est peut-être finalement pas là où on le pense !

Dans la deuxième histoire, deux jeunes amies, Nanako et Miko, s'amusent à regarder des films d'horreur. Nanako, fascinée par le surnaturel, persuade sa copine d'aller visiter à la prochaine nuit le fameux manoir hanté aux abords de la ville, que personne n'a jamais osé visiter depuis qu'un terrible meurtre s'y serait déroulé...
Après bien des hésitations, les deux camarades partent en expédition, rejointes par deux autres amies en chemin. Ensemble, elle explorent le lieu maudit et finissent en effet par y trouver un fantôme épouvantable qui les massacre de façon ignoble, à l'exception de Miko qui parvient à s'enfuir...
Pourtant, le lendemain, elle retrouve ses amies bien vivantes, quoiqu'elles portent toutes des scarifications, preuves de leur précédente macabre sortie nocturne... Elles décident de retourner au manoir pour comprendre et ce qu'elles vont y trouver va les glacer définitivement de terreur...

D'abord beaucoup influencé par Osamu Tezuka, Kazuo Umezu est un auteur qui se sera principalement distingué comme Mangaka spécialisé dans l'horreur. Il est à ce titre l'inventeur du terme "kyôfu manga" soit littéralement Manga d'horreur.
Considéré comme le Dieu du genre (Tezuka l'aurait comparé plus tard à un génie), c'est dans les années 60 que son style unique le révèle avec par exemple "la femme serpent" (1965) et surtout les années 70 avec "l'école emportée" (1972) et "Baptism" (1974)... Quelques mangas parmi d'autres disponibles en France aujourd'hui...

Mettant en scène souvent des enfants ou de jeunes adultes, il illustre un contexte horrifique trouvant sa source dans la famille ou la psychologie, cassant les codes shojo de l'époque, n'hésitant pas à créer des retournements de situation (twists) qui surprennent le lecteur.
L'artiste nous quitte en 2024, à quelques jours (ironie du sort) de la fête d'Halloween !

L'animé qui nous intéresse ici est dérivé des oeuvres du maître.
Deux petites histoires s'enchaînent, se déroulant dans leur première partie de façon presque classique et convenue. La force du récit réside justement dans une succession de clichés qui persuade très en amont le spectateur de la conclusion évidente de chaque histoire, jusqu'à la révélation finale qui chamboule les cartes et étonne, voire terrorise, l'auditoire !
La mise en scène est soignée, même si le dessin animé reste fondamentalement inscrit dans son époque, avec une animation supervisée par, rien que ça, le maître Shingo Araki.
Réservées à la deuxième partie de chacun des deux petits scénarios, les séquences gores et monstrueuses, qui font le sel de l'oeuvre d'Umezu, sont détaillées et graphiques, soutenues par une musique d'ambiance typique des films d'horreur des années 80/90.

En fait, si les histoires sont indépendantes, la première reste tout de même reliée à la seconde, comme une mise en abime... Les deux jeunes filles de l'histoire du Manoir hanté regardant via une cassette vidéo les aventures narrée dans l'histoire de Rima et Masami.
Globalement, avec son narrateur inquiétant dont on ne sait pas vraiment s'il est vivant ou mort ni s'il appartient à notre réalité (certains sous-entendent qu'il s'agit de Kazuo Umezu lui-même), cette courte OAV à sketchs rappelle furieusement le principe du film culte "Creepshow", oeuvre réalisée conjointement par Stephen King, le roi du roman d'horreur, et George Romero, le maître des films de zombies. Chaque sketch de ce film contient une petite histoire horrifique et gore, avec un rebondissement terrifiant à la fin et qui laisse le spectateur en plein suspense sur une conclusion ouverte... exactement comme avec les deux aventures de ce "Umezu Kazuo no Noroi" qui nous fait du coup regretter que l'OAV ne soit pas plus longue, avec davantage d'histoires, pourquoi pas, dérivées des mangas de l'artiste.

Seul témoignage animé imprégné du travail d'Umezu, il est étonnant que ce dessin animé ne soit jamais parvenu en France, notamment à l'époque du succès en VHS des collections Japanimation de Manga Video, Kaze et cie, éditeurs qui n'hésitaient pas parfois à proposer dans leur catalogue des titres directement en rapport avec l'horreur (on se souvient de Urotsukidoji ou de Yoma).
Il reste quelques mangas du maître traduits chez nous pour se familiariser avec son oeuvre et réparer cette lacune, et pour comprendre combien, dans ce genre très particulier, l'influence de l'artiste a été majeure sur bon nombre de dessinateurs et créateurs actuels, même hors Japon.