La Belladone de la Tristesse  ou Belladonna la Sorcière

Fiche technique
Nom originalKanashimi no Belladonna (哀しみのベラドンナ)
OrigineJapon
Année de production1973
ProductionMushi Productions, Nippon Herald
Durée89 minutes
Auteur romanJules Michelet
RéalisationEiichi Yamamoto
ProductionTadayoshi Watanabe
ScénariiEiichi Yamamoto, Yoshiyuki Fukuda
AnimationTsuneo Maeda, Shin'Ichi Tsuji, Chikao Katsui, Hayao Nobe, Toshiyasu Okada, Osamu Dezaki, Tadakatsu Yoshida, Yoshiyuki Hane, Kiyomu Fukuda, Hiroyoshi Mitsunobu, Reiko Okuyama, Shirô Murata, Shûichi Seki, Seiichi Hayashi, Kamakiri Uno
PlanningEiichi Yamamoto
Direction de l'animationGisaburô Sugii
Direction artistiqueFuni Fukai
DécorsTakao Kodama, Fumiharu Shitamichi, Mihoko Magôri, Junko Sasaki (2), Yoshishige Kosako, Miho Chikai
MontageMasashi Furukawa
MusiquesMasahiko Satô
Diffusions
Arrivée en France (cinéma)29 avril 1975 / 15 juin 2016
1ère diffusion hertzienne13 octobre 2013 (Arte)
Rediffusions24 octobre 2013 (Arte)
4, 13, 15 et 21 mai 2017 (Ciné + Club)
21 juin 2019, 08 juillet 2019 (OCS Choc)
Editions
Sortie en DVD30 novembre 2016 (Eurozoom)
Sortie en Blu-Ray Disc2 janvier 2019 (Eurozoom)
Synopsis

Jean et Jeanne sont amoureux et souhaitent se marier. Mais pour que leur union soit célébrée, ils doivent s’acquitter d’une lourde taxe qu’ils ne peuvent payer auprès du seigneur féodal. Ce dernier chasse alors Jean du château et exerce son "droit de cuissage" sur Jeanne. Répudiée par son compagnon, la jeune femme reçoit la visite d’un esprit de forme phallique qui déclare pouvoir l’aider.
Alors que la famine, la guerre et la maladie font rage dans le pays, Jeanne résiste jusqu’à devenir une prêteuse sur gages crainte et respectée. Voyant son autorité défiée, la Baronne la fait chasser en excitant la foule et en invoquant chez Jeanne la possession par le Diable. Recluse dans une grotte, la jeune infortunée fait de nouveau face à l’esprit, désormais gigantesque, et accepte de se donner à lui corps et âme pour obtenir la puissance qui lui permettra de se venger de tous ceux qui l’ont fait souffrir.
Mais qui du Diable ou du seigneur Baron aura finalement raison d’elle ?

Commentaires

Attristé par l’imagerie enfantine à laquelle l’animation est d’ordinaire associée, Osamu Tezuka au moment de fonder son studio Mushi Production songeait à produire des séries pour le grand public dans le but de pouvoir financer des longs-métrages destiné aux adultes. C’est ainsi que lui et son collègue Eiichi Yamamoto lancèrent en 1969 le projet Animerama (contraction d’anime et de drama) : des films ambitieux sur le plan plastique et abordant des thèmes alors peu explorés en animation, dont l’érotisme en particulier. Le premier, Les 1001 Nuits, eut droit à un succès qui s'est limité au Japon. Le second, Cleopatra, réalisé en 1970 n’aura même pas cette chance ; achevé dans la précipitation, trop déconcertant, mal vendu par son distributeur et désavoué par Tezuka, le film mettra le studio au bord de la ruine.
En parallèle, le maître se fâche avec le producteur Yoshinobu Nishizaki à qui il avait confié la tâche de déposer le copyright de deux séries télé en cours de développement, Umi no Triton et Wansa-kun : Nishizaki avait remplacé le nom du maître par le sien, s’arrogeant ainsi l’ensemble des droits sur ces deux séries. Le producteur considérait que Tezuka ne se souciait pas assez des intérêts du studio et était persuadé, avec l’équipe, que Cleopatra serait un échec ; et le fait que le réalisateur ne se soit pas davantage battu pour récupérer ses droits le confortait dans son point de vue. Il se trouve que Tezuka, rongé par la colère suite à cet événement, avait perdu toute motivation en constatant qu’une partie des animateurs s’était tournée vers Nishizaki, ces derniers jugeant le maître seul responsable de la perte de ses droits. Mushi Production se divisa alors en deux camps, chacun se renvoyant la responsabilité de la situation.
C’est dans ce triste contexte que Yamamoto décide de lancer le troisième et dernier volet de la série : une adaptation libre de La Sorcière de Jules Michelet. Peu intéressé par le sujet et ne se faisant aucune illusion quant au sort de Mushi Production, Tezuka accorde le feu vert à son collègue qui s’attèlera au projet sans l’implication du maître. L'équipe acceptera de mener le film jusqu’au bout pour que l’histoire de Mushi Production s’achève sur une belle note, les deux séries à l’origine de la discorde ne remportant que peu de succès.

Délaissant le graphisme rond de Tezuka utilisé dans les deux précédents volets, La Belladonne de la tristesse repose sur une esthétique Art Nouveau citant ouvertement des œuvres d’artistes comme Alfons Mucha, Aubrey Beardsley, Gustav Klimt ou Egon Schiele. Les difficultés économiques du studio ont en effet poussé les animateurs à délaisser le mouvement au profit de l’expressivité graphique et du caractère iconique des formes. Le découpage du film repose donc pour l’essentiel sur des dessins fixes ou peu animés et suscite l’émotion par l’aspect pictural de ses plans en jouant sur la force d’évocation du trait et des textures. À ce titre, la mise en scène de La Belladonne se rapproche énormément de celle de Très Cher Frère, autre œuvre sulfureuse de l’animation japonaise ; il est même probable que le réalisateur de la série Osamu Dezaki y ait apporté une bonne partie de son travail en tant qu’animateur sur le film de Yamamoto.

Alors que Les Mille et une nuits et Cleopatra donnaient du sexe une image hédoniste mâtinée d’humour, La Belladonne de la tristesse avec son récit tragique, son graphisme anguleux et rêche, restitue la sexualité dans tout ce qu’elle peut avoir de destructeur et de subversif. Dénonçant la violence faite aux femmes, célébrant l’exaltation des sens comme signe d’insurrection à travers son graphisme bigarré et ses effets psychédéliques, le film demeure à ce jour une référence du dessin animé d’avant-garde. Malheureusement, ses qualités et sa nomination à l’Ours d’Or du festival de Berlin de 1973 ne l’empêcheront pas d’être un échec commercial. Et si Mushi Production ferma ses portes quelques jours avant la sortie en salles, le studio reprendra son activité en 1977 avec une nouvelle équipe, en se spécialisant dans la sous-traitance.
Les salles françaises le diffuseront deux ans plus tard sous le titre Belladonna, la Sorcière, devenant ainsi l’un des premiers long-métrages d’animation japonais diffusées dans l’Hexagone aux côtés du Chat Botté de Kimio Yabuki et du Serpent Blanc de Taiji Yabushita.

Auteur : Klaark
Sources :
cartoonresearch.com/
Osamu Tezuka, Banc-Titre n°44
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Kanashimi no Belladonna © Jules Michelet / Mushi Productions, Nippon Herald
Fiche publiée le 25 août 2014 - Dernière modification le 17 juin 2019 - Lue 18283 fois